Si l’aventure de l’équipage français « Orient Express Racing Team » s’est arrêtée aux portes de la demi-finale de Louis Vuitton Cup il y a quelques jours, l’histoire des tricolores avec la Coupe de l’America n’est pas terminée pour autant. En amont de la 37e édition du « plus vieux trophée sportif au monde », la France s’avancera avec ambition dans les deux compétitions organisées en lever de rideau, d’abord pour les Jeunes de moins de 25 ans puis pour les équipages 100% féminin. La « UniCredit Youth America’s Cup » s’ouvrira même dans quelques jours seulement, du 17 au 26 septembre, et l’équipe française est dans les starting-blocks après une bonne préparation du côté de Barcelone.
La bonne nouvelle est tombée quelques jours avant Noël dernier. Après un premier « cut » à la suite d’un stage de sélection organisé à l’ENVSN en avril, les 12 « navigants » (6 pour les Jeunes et 6 pour les Femmes) ont été officiellement choisis par la FFVoile et le Team Orient Express Racing pour rejoindre l’aventure de l’America’s Cup sur les compétitions « Youth » puis « Women ». Près de 10 mois plus tard, les voilà à Barcelone, dans le grand bain, les étoiles plein les yeux ! Les Jeunes sont même dans la dernière ligne droite avant le début des hostilités et dans les ultimes réglages avant les premières régates, le 17 septembre.
Avant de pouvoir découvrir leur monture, les fameux AC40, monotype « petit frère » des monocoques à foil AC75 créés pour cette 37e Coupe de l’America, l’équipage français a fait ses armes sur différents circuits à « bateaux volants », comme en Moth, en ETF26 mais surtout en 69F. En Novembre dernier, Enzo Balanger, Lou Mourniac, Théo Révil et Gaultier Tallieu, 4 des 6 membres de l’équipe avec Matisse Pacaud et Ange Delerce, ont d’ailleurs remporté à Barcelone la Youth Foiling Gold Cup, un circuit particulièrement disputé sur ce dériveur à foil, réservé aux équipages mixtes de moins de 25 ans.
Depuis les Français ont pu prendre en main leur AC40, avec lequel leurs ainés du « Orient Express Racing Team » avaient participé (avec succès !) aux régates préliminaires de la Coupe de l’America à Djeddah et à Vilanova. « On a profité un maximum du temps de navigation qui était possible pour nous », raconte Matisse Pacaud, triple Champion du Monde Jeunes en 470 et pilote du bateau français à bâbord. « On avait passé tout le début de la préparation à être plutôt seul et à travailler tout ce qui était la ligne droite, les réglages, l’aéro, l’hydraulique, ect.... Et on a passé beaucoup de temps au mois d'août à faire de la confrontation avec les autres pour voir ce que ça faisait d'être à six bateaux, travailler sur les règles, les positionnements importants et les départs ». Mais depuis quelques jours, l’organisation a repris la main sur les bateaux, notamment pour permettre aux 6 équipes « invitées », qui ne sont pas en lice sur la grande Coupe de l’America, de bien se familiariser eux aussi avec les AC40.
Pour les Français, en attendant les premières régates, à partir de mardi, on passe beaucoup de temps au simulateur et on continue de profiter de l’expertise des marins et des équipe techniques du grand AC75 du « Orient Express Racing Team » pour un apprentissage à vitesse grand V. Les 6 marins et Alexandre Kowalski, le « data analyst » de l’équipe, ont découvert il y a quelques mois ce nouveau monde, où le professionnalisme est poussé à son paroxysme. « C'est sûr qu'au début c'était hyper impressionnant », se souvient Matisse. « On a été super bien intégrés à toute l'équipe. Que ce soient les navigants ou les personnes chargées de la préparation du bateau, ils ont pu nous aider et nous donner des pistes, quelques conseils pour que la prise en main du bateau soit plus rapide. On a appris énormément de chose sur la partie technologique et aussi sur l'eau pour toute la partie technique ».
Forcément, appréhender la navigation sur ces AC40 est en soit un premier challenge. Foils, vérins, commandes de vol, circuits hydrauliques, batteries, joystick, boutons… Le changement d’univers par rapport à leurs supports habituels est assez étourdissant. « C'est sûr que c'est bien différent du 470, », sourit Matisse, qui pilotera le bateau quand ils seront bâbord amure. « La notion de vitesse change complétement. A 20 nœuds on a l’impression qu’on n’avance pas ! ». Il faut dire que ces monocoques à foil peuvent affoler les compteurs, avec des vitesses de pointes frôlant les 50 nœuds. « Ce qui est perturbant aussi c’est la position assise, avec le volant, un peu comme dans une voiture. Le bateau est grand mais on ressent énormément de choses, la gîte, la contre-gîte, le vent à fond sur ton visage, le bruit, la vitesse, et ça c'est incroyable. Malgré tout le fonctionnement technique, et notamment la partie hydraulique, ça reste un bateau à voile. C'est juste qu'au lieu de tirer sur des bouts, il faut appuyer sur des boutons ! »
A bord, une coordination parfaite est indispensable à la bonne marche du bateau et l’équipage français a vite trouvé une alchimie pour faire fonctionner cette horlogerie. « On se connait tous depuis des années même si on a des parcours sportifs différents. On a quasiment tous déjà navigués avec ou contre les autres. Et c’est aussi très enrichissant d’avoir une variété de profils à bord. » Matisse, lui, troque le stick de son 470 avec lequel il a été trois fois Champion du Monde Jeunes pour un volant. De l’autre côté du bateau, le skipper Enzo Balanger passe de supports à foil à d’autres supports à foil avec brio. Derrière les deux pilotes on retrouvera Théo Révil et Gautier Tallieu, futurs équipiers en 49er et aguerris sur les supports volants comme en Inshore ou en Match-Racing. Leurs remplaçants, Lou Mourniac et Ange Delerce, apportent aussi leurs particularités tout comme Alexandre Kowalski, le « data analyst » de l’équipe, grand espoir en ILCA 7 mais aussi en eSailing. « Chacun est bon dans ses domaines et du coup ça fait une équipe très complète. C'est vraiment une force d’avoir des visions différentes de temps en temps mais qui sont toujours dans l'objectif de faire progresser l’équipe ».
Ils vont être plongés dans quelques jours dans l’arène vélique la plus médiatisée au monde face à une concurrence redoutable. Comme Peter Burling, premier vainqueur de la Youth America’s Cup à San Francisco en 2013 et désormais skipper du bateau defender de la Coupe, Emirates Team New Zealand, tout le monde aura son regard tourné, à partir de mardi, vers ces talentueux équipages venus des quatre coins du monde. Dans leur poule, composée des 6 équipes Jeunes des Teams en lice sur la Coupe de l’America, les Français auront fort à faire face à des talents comme l’Italien Marco Gradoni, qui a déjà eu l’occasion de barrer l’AC40 de Luna Rossa en compétition officielle l’année dernière, ou encore l’américain Harry Melges IV, également navigant chez les « grands » de NYYC American Magic ! Les Kiwis, et notamment leur skipper Leo Takahashi, ont passé beaucoup de temps au simulateur et seront parmi les favoris, tout comme les Anglais, vainqueurs de la dernière édition de la Youth America’s Cup en 2017. « C’est sûr que le niveau dans notre poule va être très relevé », conclut Matisse. « Tout le monde va être très bon, ça ne fait aucun doute. Cette première phase va être compliquée et hyper importante. On a hâte d'y être ! »
LE FORMAT DE LA COMPÉTITION
Les concurrents seront séparés dans un premier temps en deux poules de six, l’une avec les 6 équipes de l’America’s Cup, l’autre avec les nations « invitées » qui disputeront huit courses en flotte chacune, réparties sur deux jours. Les trois premiers de chaque poule avanceront en demi-finale dans un nouveau groupe de six qui effectuera quatre courses, toujours en flotte. Les deux meilleurs seront qualifiés pour une course finale en Match-Racing où elles se joueront le titre. Celle des Youth aura lieu le 26 septembre.
Plus d’infos : https://www.americascup.com/events/unicredit-youth-americas-cup
L’ÉQUIPAGE FRANÇAIS
A BORD
- Enzo Balanger (skipper, pilote Tribord) – La Pelle-Marseille
Vainqueur de la Foiling Week en 2023 et 2024, Vice-Champion du Monde Junior en Moth, Vice-Champion d’Europe en 420, Champion d’Europe en Optimist
- Matisse Pacaud (pilote Bâbord) – YC Cannes
4e au Championnat du Monde 470, Double Champion d’Europe et Triple Champion du Monde Jeune 470, « Espoir FFVoile de l’Année 2022 »
- Théo Revil (régleur Tribord) – CNBPP
Champion du Monde et Champion d’Europe de 29er, 4e au Championnat du Monde Jeunes 49er
- Gaultier Tallieu (régleur Bâbord, également en charge de la coordination de l’équipe) – BN La Palmyre
Champion d’Europe Jeunes de Match Racing, 3e du TourVoile
REMPLAÇANTS
- Ange Delerce (régleur) – SR Antibes
Champion du Monde Jeunes de Match-Racing, Champion du Monde Universitaire, Vice-Champion du Monde en 420, Champion d’Europe en 420
- Lou Mourniac (régleuse) – ASN Quiberon
Championne du Monde et Vice-Championne d’Europe de Nacra 15
DATA ANALYST
- Alexandre Kowalski – Brest Bretagne Nautisme
Vice-Champion de France ILCA 7, Vice-Champion de France eSailing Inshore, Champion de France ILCA 6,
LES 12 ÉQUIPES EN LICE SUR LA YOUTH AMERICA’S CUP
- Sail BCN Youth Team (ESP)
- Jajo Team Dutchsail (NED)
- Concord Pacific Racing Youth Team (CAN)
- Germany Youth Team (GER)
- Swedish Challenge Youth Team powered by Artemis Technologies (SWE)
- Australia Challenge Youth Team (AUS)
- Emirates Team New Zealand Youth Team (NZL)
- Athena Pathway (GBR)
- Alinghi Red Bull Racing Youth Team (SUI)
- Luna Rossa Prada Pirelli Youth Team (ITA)
- NYYC American Magic Youth Team (USA)
- Orient Express Racing Youth Team (FRA)